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bienvenue chez la gauchère
15 décembre 2006

C'est bientôt Noël

Extrait de "Le bonheur, désespérement "

<< C'est l'exemple de l'après-midi de Noël.

Tous les enfants sont différents, mais il y en a beaucoup dans nos pays riches, qui dès le début du mois de novembre, pour ne pas dire dès la fin du mois d'octobre, choisissent dans tel ou tel catalogue de vente par correspondance, ou à la vitrine de tel ou tel magasin, le jouet qu'ils vont demander pour Noël. Ils le désirent tellement, ce jouet leur manque tellement, qu'il est exclu qu'ils soient heureux un instant d'ici Noël.

On est à la fin du mois d'octobre : le bonheur est différé pour deux mois. Par chance, les enfants oublient de temps en temps que ce jouet leur manque ; il leur arrive donc, parfois, d'être heureux par inadvertance. Mais dès qu'ils y pensent, ce n'est plus possible : il leur manque trop !
Ils se disent : " Qu'est-ce que je serais heureux si je l'avais, ou quand je l'aurai ! "
Or ils ne l'ont pas, et donc ils ne sont pas heureux. Ils sont séparés du bonheur par son attente.

Arrive le matin de Noël... Quand tout va bien, lorsque les parents ont pu acheter le cadeau, lorsque le papa arrive à le monter, quand la notice est intelligible, quand on a pensé à acheter les piles, etc., le matin de Noël fait partie des moments qui sont plutôt faciles à vivre. Quoique... Mais bon, disons qu'il y a pire et l'on ne va pas tarder à s'en rendre compte.

C'est qu'après le matin de Noël, inévitablement, il y a l'après midi de Noël. Et là, quelque chose commence obscurément à se corrompre, à s'assombrir, à se gâter... L'enfant devient un peu plus nerveux, grognon, bougon, comme mécontent. Les parents s'énervent à leur tour : " Qu'est-ce qu'il y a ? Tu n'es pas content ? Ce n'est pas ce que tu voulais ? " Le gamin répond : " Si, c'est exactement ce que je voulais... " Alors quoi ?
Comme il n'a pas lu Platon, il ne peut pas vraiment vous répondre. Mais s'il l'avait lu, il vous dirait : " Ce que je suis en train de comprendre, tu vois, c'est qu'il est très facile de désirer le jouet que l'on n'a pas, celui qui nous manque, et de se dire que l'on serait heureux si on l'avait... Mais qu'il est bien plus difficile de désirer le jouet qu'on a, celui qui ne manque plus !
Au fond, c'est ce qu'explique Platon : le désir est manque. Ce jouet que tu m'a donné ne me manque plus, puisque je l'ai, et donc je ne le désire plus... Comment serais-je heureux ? Je n'ai pas ce que je désire, mais simplement ce que je désirais... "
Comme il n'a pas lu Platon et comme il est gentil, il se contente de jouer comme il peut, pour vous faire plaisir, il fait semblant d'être heureux...

L'après-midi se passe, puis le dîner...
Les enfants vont se coucher et, lorsque vous allez faire les câlins d'usage, le gamin vous demande : " Dis, papa, c'est quand Noël ? "
Le père est un peu désarçonné : " Attend, tu me fais peur... Noël, c'était aujourd'hui ! "
" Oui, je sais, répond le gamin, mais je veux dire... le Noël prochain ? "

Et c'est reparti pour un tour... >>

André Comte-Sponville

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Commentaires
T
oh dady je veux un twain electwique pouw nowel....
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